Interview de Marjolaine et Laetitia – Propos recueillis par Mômes du Monde.
Depuis quand êtes vous dans ce milieu du graffiti et est-ce important pour vous d’apporter de la couleur dans ce monde ?
Laetitia est une artiste plasticienne qui graffe depuis à peu près deux ans. Je ne suis personnellement pas graffeuse, ce qui m’intéresse, c’ est l’expression de Soi via des activités d’art thérapie.
Oui, “mettre de la couleur dans ce monde” est important, même si en Afrique il y en a déjà beaucoup plus qu’en Europe! Le graff est un outil d’expression et de partage de valeurs qui permet d’animer des murs qui sont vus au quotidien par le peuple entier.
Et comme “La beauté de la Vie dépend de ton Regard” autant la voir en couleur !
Vous êtes parties au mois d’octobre 2015 afin de proposer divers ateliers d’arts de rue à des enfants au Bénin, quelle a été votre motivation pour faire ce voyage ?
Ce voyage s’est décidé et préparé en 3 semaines. Il est l’alliage de synchronicités qui ont rencontré notre petit brin de folie annihilant toutes barrières et frontières pour que la joie du coeur s’exprime..
Je suis allée au Bénin trois fois il y a 10 ans. Et un ami avec qui je dansais à l’époque, Willy Mick Gbédgi m’a recontacté via les réseaux sociaux. Devenu artiste peintre, ses oeuvres m’ont directement fait penser à celles de Laetitia et quand elle les a vues elle m’a dit “on y va?!”.
Il était difficile pour moi de repartir vers cette terre où j’avais oeuvré à trois reprises pour les femmes et les enfants des milieux défavorisés de Cotonou et c’est tout naturellement que nous avons imaginé de mettre en place des activités artistiques pour les enfants.
Nous avons récolté 707 euros ce qui nous a permis d’acheter le matériel nécessaire (feuilles, peintures et bombes). Je remercie ici encore toutes les personnes qui nous ont donné “un peu un peu” et qui ont ainsi permis la réalisation de ce projet.
Avez vous travaillé avec des associations sur place, et comment ont été accueillies vos activités par les béninois ?
Toutes nos activités ont été chaleureusement accueillies.
Nous sommes parties de manière autonome et autogérée que ce soit d’un point de vue logistique, personnelle et pour nos activités. Nous pouvions ainsi proposer nos services à diverses structures.
Une seule m’a fermé la porte, une que j’avais contactée en amont depuis la France. Je ne cache pas mon indignation quant au fait que des personnes au Nord bloquent la rencontre avec des personnes au Sud. L’aide au développement n’est pas un business où l’on se garde un marché, bien évidemment il faut de la rigueur, et à un degré avancé beaucoup de méfiance mais le partage d’une telle activité, proposé de manière autonome ne rentre pas dans ce cadre et je ne comprends pas au nom de quoi on se permet de bloquer les rencontres.
Le hasard a fait que Davy Gbégbo, président de l’Association “Regard Mémorable” que j’avais contacté depuis la France, travaillait également avec la NEEFA, l’association avec qui j’avais travaillé dix années auparavant.
Ainsi nous avons pu travaillé en partenariat avec le village d’ADIGNIGNON vers Abomey et de Moji Gangan à côté de Dassa.
A Cotonou nous avons travaillé avec Hermann, éducateur sportif qui fait pratiquer du rugby aux enfants des rues. Pour ceux que cela intéresse son projet est une vrai réussite auprès des enfants. Le sport collectif amène une cohésion sociale et l’apprentissage du repect des règles de jeu apportent un cadre à des enfants qui n’en n’ont pas. Ils ont besoin de soutien, quand nous sommes allé peindre dans le foyer de jour de “Citoyens des Rues” où ils sont relayés, je ne sais ce qui fut le plus précieux entre une activité où ils se sont littéralement éclaté, (Hermann nous affirmant qu’il ne les avait pas vu sourire comme celà depuis très longtemps) ou le sac de riz de 20 kg qui répond à un besoin primaire…pourtant difficilement assouvie.
Nous avons fait notre première activité auprès des Soeurs Salésiennes qui font un superbe travail au Bénin, ceci depuis des années…et nous avons partagé notre activité avec des jeunes éducateurs spécialisés en formation. C’était un moment très riche en partage de connaissances, certains ont été émerveillés par cet outil et l’utiliseront certainement au cours de leur carrière auprès des enfants…L’un d’entre eux, Honoré, nous a invité à oeuvrer au sein d’une structure où il travaille: Terres Rouges.
C’est un foyer de jour et de nuit qui accueuille les enfants des rues et je vous invite à regarder leur site internet pour approcher l’étendue de leurs actions.
Quelle importance donnez vous au lien art / enfants ?
L’art est un outil d’expression de soi qui permet d’exprimer l’indicible. Il permet de se libérer inconsciemment de ce qui nous encombre tout en se connectant à l’instant présent. On se connecte à sa présence, de manière simple et dans la joie. Tout ceci est important pour l’Homme en général. L’enfant est par nature joueur, il aime et se construit dans l’imaginaire, il rêve, il invente, il crée…
Nous avons voulu au maximum ouvrir cet espace de jeu à des enfants qui n’en ont pas l’accès. Entre 8 et 17 ans, beaucoup travaillent au marché Dandokpa (d’une superficie de 18 hectares c’est le plus grand marché d’Afrique de l’Ouest), ou sont dans la rue, en général, ils sont orphelins ou en rupture sociale et ne sont pas scolarisés. Ils fréquentent divers foyers qui leur offrent un cadre de vie et un espace d’expression qu’ils ne connaissent pas par ailleurs.
Qu’avez vous retenu de ce voyage et quels en sont vos souvenirs ?
Les regards, ceux des enfants et des adultes qui s’émerveillent quand on mélange du bleu et du jaune pour fabriquer du vert. Celui d’une maman, sidérée de voir le visage de son enfant apparaïtre sur le carnet de croquis quand Laëti lui fait son portrait et qui lui dit: “si tu ne l’avais pas fait sous mes yeux j’aurais cru que c’était de la magie”.
Le mektoub, ceux que certains nomme le hasard et qui pour moi n’est autre que la magie de la vie qui nous a fait rencontré les personnes qui organisaient le festival de graff. Ou quand, Hubert, me reconnaissant sur le bord de la voie, s’arrête pour m’annoncer le triste de décès de Justine, celle avec qui j’avais mené tout mes projets 10 années auparavant. Nous étions alors devant la grotte Maria à Dassa, son village natale et certainement son lieu de culte préféré.L’émotion véhiculée par les femmes des marchés de Ménontin à Cotonou qui m’ont reconnue de loin m’appelant par mon surnom béninois: “PimPimtché!”.
La voie du cœur, celle qui nous amène à rencontrer des gens et à partager ce que nous sommes, simplement, crée des liens qui marque nos vies, pour eux la bas comme pour nous ici et donne une dimension autre à ce qui n’aurait pu être qu’un voyage.
Pouvez vous nous parler de vos futurs projets et comment peut-on vous soutenir ?
Ce séjour a été spontané et nous n’avons pas prévu à ce jour de nouvelle activités, même si tout est possible!
Je continue personnellement à apprendre et à me former en art thérapie. Quand à Laetitia, son art l’a déjà ramenée au Sénégal à l’occasion d’un festival International de graff, le Festigraff. Au Bénin, c’est le Regraff qui s’organise pour un séjour tout en couleur en automne prochain au Bénin, au Togo et au Ghana. Les artistes locaux ont besoin d’aide financière pour créer de tels événements, notamment pour assurer l’achat de matériel et assurer les déplacements.
Pour ce qui est des associations, Terre Rouge fait un travail formidable auprès des enfants de Cotonou, tout comme les Soeurs Salésiennes.
Davy Gbégbo est un acteur social de grande qualité et peut être un partenaire de confiance dans toute création de projet.
La NEEFA, une association basée à st Jorioz fait un travail intéressant avec le village d’ Adignignon notamment auprès des écoles primaires et du collège. Une bibliothèque a d’ailleurs été inaugurée lors de notre séjour.
Voilà pour les différentes structures rencontrées et avec lesquelles, ceux qui seraient désireux de créer des projets similaires pourraient oeuvrer. Je reste à disposition pour tout conseil supplémentaire via ma boîte mail : lumieredelavie@gmail.com
Merci à vous 2 pour vos actions pour les enfants et ce partage de votre expérience.
c’est EUX, c’est nous, c’est DEMAIN
Visitez le site internet de Terres Rouges – ici